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Loi Justice 2019 : ce qu’elle change pour l’accompagnement et les droits des personnes protégées.
Le 13 juillet 2020
En mars 2019, a été promulguée une nouvelle loi portant une vaste réforme de la Justice. Parmi ces articles, un certain nombre concerne les personnes protégées et modifient de façon substantielle leur quotidien et leurs droits. Si les aspects les plus commentés ont trait au droit de vote et au droit au mariage, qui ne nécessitent plus l’autorisation du juge, d’autres évolutions impactent directement la gestion des finances de la personne vulnérable.
Dans un souci de simplification, le législateur a en effet prévu que soit supprimée la demande d’autorisation pour plusieurs actes concernant le patrimoine du majeur protégé. Une évolution que les aidants professionnels voient forcément d’un bon œil.
Pour tout savoir sur la loi Justice 2019, consulter le texte intégral disponible sur Légifrance.
« Simplifier pour mieux protéger »
C’est le nom de la section 2 du titre II de la loi Justice de 2019, et il est suffisamment éloquent ! Les MJPM ont souvent fait état de la difficulté à exercer correctement leurs tâches, du fait d’un nombre de procédures administratives importantes et trop lentes… dont la justice était parfaitement consciente. Le rapport annexé à la loi précise ainsi : « La charge de travail pesant sur les juridictions ne permet pas aux magistrats et aux greffiers d’assurer toute la plénitude de la mission de contrôle des mesures de protection juridique qui leur est conféré par la loi. En conséquence, plusieurs mesures seraient envisagées. En premier lieu, il s’agirait d’alléger le contrôle a priori du juge sur certains actes de gestion patrimoniale ».
Avec la loi du 23 mars 2019, les choses ont enfin évolué dans le bon sens. La gestion des comptes bancaires des majeurs protégés est désormais facilitée, puisqu’il n’est plus nécessaire de faire appel au juge pour obtenir une autorisation sur tous les actes. La mission de tuteur ou curateur (familial ou mandataire judiciaire) se retrouve donc fluidifiée grâce à la mise en œuvre de la loi.
Quels actes de nature patrimoniale sont désormais simplifiés ?
Les tuteurs ou curateurs, familiaux ou MJPM, n’ont désormais plus besoin de l’autorisation du juge pour tous les actes suivants :
- Ouverture, modification et clôture de compte(s) dans la banque habituelle de du majeur protégé
- Placement de fonds sur un compte (à l’exclusion de l’assurance-vie, comme le précise un rapport UNAF sur la loi 2019)
- Conclusion d’un contrat pour la gestion des valeurs mobilières
- Ouverture d’une convention obsèques.
Grâce à ces mesures de simplification, les tuteurs ou curateurs obtiennent donc une plus grande latitude dans la disposition des fonds des personnes protégées. Elles peuvent de manière plus efficace gérer et organiser leurs avoirs ; choisir des solutions plus rémunératrices permettant par exemple de financer le reste-à-charge dans les Ehpad ; anticiper tous les frais liés à la gestion des obsèques.
Une surveillance des comptes de gestion mieux organisée
Pour une transparence toujours plus grande, la loi prévoit que les comptes de gestion annuels soient vérifiés et validés par le subrogé tuteur (il peut s’agir d’un MJPM désigné par un juge) ou par le Conseil de Famille. Cette mesure permet de vérifier que la gestion au nom du majeur vulnérable protège en effet au mieux ses intérêts.
Pour rappel : Le compte annuel de gestion retrace l’ensemble des mouvements financiers effectués sur les comptes des personnes protégées par les tuteurs ou curateurs qui en ont la charge : ouverture, clôture de comptes, placements financiers, évolution du patrimoine mobilier ou immobilier, évolution de la dette.
Il faut toutefois noter que si le patrimoine de la personne protégée est très limité, la soumission à approbation de ce document n’est pas toujours obligatoire. C’est le juge qui prend la décision de cette possible dispense d’approbation du compte de gestion annuel.
Attention : Dispense d’approbation ne signifie pas dispense d’établissement du document de compte de gestion en tant que tel ! Ce document doit toujours être fourni au juge.
Un point de vigilance pour les tuteurs : l’obligation d’inventaire dans des délais précis.
Dès qu’est décidée la mise en place d’une mesure de tutelle ou curatelle renforcée, le mandataire (familial ou professionnel) doit établir un inventaire des biens meubles corporels dans les 3 mois qui suivent, et dans les 6 mois pour les biens meubles incorporels (dont comptes en banque, placements, etc).
Si l’inventaire n’est pas transmis dans les temps, le juge pourra demander à un commissaire-priseur, un huissier de justice, un notaire ou un MJPM d’intervenir pour effectuer l’inventaire. Ceci se fera alors aux frais du tuteur/ curateur (familial ou MJPM).
Le droit au mariage : quels changements après la loi Justice 2019 ?
La loi de mars 2019 modifie de nombreux articles du Code Civil, parmi ceux-là, l’article 460. Désormais, le majeur protégé par un curateur ou un tuteur (familial ou MJPM), n’a plus besoin d’obtenir une autorisation d’un juge pour se marier. Cependant, l’article 63 précise que le protecteur légal du majeur doit être tenu informé. En effet, les futurs époux doivent justifier l’information et communiquer une attestation au tuteur/curateur. S’ils ne la transmettent pas, le mariage ne peut avoir lieu.
De plus, l’article 175 du Code Civil décrète que désormais, le protecteur du majeur protégé peut s’opposer au mariage sans avoir à se justifier auprès de lui. Néanmoins, son opposition est dictée par les conditions des ascendants du majeur puisque un mariage engendre des conséquences patrimoniales. Toutefois, l’article 1339 est réécrit par la nouvelle loi : le protecteur légal peut demander à un juge d’autoriser le mariage, en incluant dans le contrat une clause préservant les intérêts du majeur protégé.
Dans quelles mesures un majeur protégé peut-il voter ?
L’article 11 de la loi justice modifie l’article 72-1 du Code Civil. Désormais, « le majeur protégé exerce personnellement son droit de vote pour lequel il ne peut être représenté par la personne chargée de la mesure de protection le concernant. » Cela inclut toute personne ou établissement qui s’occupe du mandant.
Les autres grandes mesures de la loi Justice 2019
Si la loi de mars 2019 a un impact sur le travail quotidien des MJPM dans la gestion des comptes des personnes protégées, elle comporte d’autres volets importants concernant la protection des personnes.
Elle vise notamment à encourager fortement la mise en place du mandat de protection future, plutôt que le recours à une mesure de protection. Le rapport annexé à la loi précise : « Il s’agirait de faciliter le recours à l’habilitation familiale, en étendant son champ d’application à l’assistance et en créant une passerelle avec les mesures de protection judiciaire, tout en posant clairement le principe de la primauté du mandat de protection future sur tout autre dispositif de représentation. »
Comme le rappelle l’UNAF dans son rapport sur la loi Justice, c’est donc le principe de subsidiarité qui est ainsi privilégié. En clair, « aucune mesure judiciaire ne peut être ouverte tant qu’une mesure plus légère peut suffire ».